Au gré du vent

Sous la pluie battante qui se déversait sur Karkann, une silhouette solitaire avançait d'un pas assuré. De loin comme de près, il était difficile de distinguer précisément les formes du personnage, car en plus du temps désastreux qui inondait l'île capitale Tsuchie, ou plutôt à cause de ce temps, le voyageur s'était entièrement recouvert d'une cape, enveloppant ainsi le sac qu'il portait en bandoulière.

L'homme ne craignait pas de se mouiller, mais il en était autrement du contenu de son sac.
Des plantes, de la nourriture, des parchemins... bref, rien de tout cela n'aurait apprécié de tremper dans l'eau, et le voyageur tenait donc à garder son sac bien a l'abri de la pluie.

Cela faisait bientôt deux jours qu'il avait quitté la ville, et le jeune homme approchait donc de la première étape de son voyage, même s'il ne savait pas où celle ci le mènerait : il partait à l'aventure, en quête de découverte, comme il se plaisait à le faire depuis qu'il avait quitté le monastère dans lequel il était si longtemps resté cloitré.
La première étape de ses voyages était toujours la même. Il rejoignait d'abord un des totems en bordure de la ville puis laissait Shankara guider ses pas pour sa destination suivante.
Cela lui avait bien réussi jusqu'à aujourd'hui, puisqu'il était toujours revenu indemne de ses excursions.
C'est donc avec un brin d'excitation que le sorcier s'approcha du totem.
Comme s'il s'agissait d'un rituel, il s'arrêta, murmura une prière pour La Déesse Guerrière, puis effleura le cristal scintillant d'un rouge écarlate.
A peine l'opération effectuée, il se retrouva au milieu d'une prairie parsemée de palmiers. Non loin, on pouvait apercevoir un grand lac au sud, tandis qu'au nord, une plage de sable fin et d'eau turquoise s'étendait à perte de vue.

Thorzakh ne tarda pas à ranger sa cape, avant de s'apercevoir qu'un groupe de personnes avait du passer par ici tout au plus une journée plus tôt.
des empreintes de pas lourdes, surement des gens en armes et armures...et d'autres plus légères. Au moins 3 personnes, accompagnées de leurs montures.
Il se pressa alors de dégager de la zone. Son enseignement passé au monastère l'avait habitué à faire preuve de prudence en toute circonstance.
Il se mit donc couvert, près de palmiers, avant de continuer ses observations.

Il ne tarda pas à découvrir la direction dans laquelle s'était dirigé le groupe de personne, et se mit donc à suivre leurs traces. S'il devait rencontrer ces voyageurs, il préférait savoir à qui il avait affaire plutôt que d'être surpris plus tard par d'éventuels bandits, dans son sommeil par exemple.

Après une demi-journée à peine, il pu apercevoir la silhouette d'une personne chevauchant un kormzib non loin du lac.
Le jeune sorcier s'approchait sans quitter des yeux ce qui semblait être une jeune femme aux longs cheveux bruns . C'est en approchant de cette manière, en maintenant son attention sur la personne non loin de lui, qu'il trébucha sur une motte de terre et laissa échapper un juron qui, il en était sur, le trahirai immédiatement.

Mahîna descendit de Cannelle, sa monture, ferma les yeux un moment et inspira profondément. L'île de Paradis portait bien son nom. A peine Mahîna y avait-elle débarqué qu'elle avait ressenti une paix intérieure qu'elle n'avait connue depuis fort longtemps.

Elle venait de quitter l'île de Flambeau où elle s'était livrée corps et âme pendant des mois à son entraînement sur les Djinns de Feu. C'est donc avec un large sourire aux lèvres que Mahîna prit une bouffée d'air pur. Cet air si frais dégageait enfin ses poumons et elle en avait grand besoin. Elle ouvrit ses yeux pour admirer la vue que cette magnifique île lui offrait et remercia intérieurement Ezekiel d'avoir pris l'initiative de lancer cette expédition. Quand il lui avait proposé de le suivre, elle avait accepté sans hésitation. Mahîna était consciente du danger qui était toujours présent dans les régions inconnues mais elle savait aussi que ce type d'expédition était toujours instructif.

Mahîna jeta un coup d’œil à Cannelle et vit qu’elle était épuisée. Elle lui donna alors quelques céréales et décida de rester sur place un moment le temps que celle qui était devenue sa moitié reprenne des forces. Ce kormzib qu’Ezekiel avait pris le temps de dresser pour elle faisait intégralement partie de ce qu’elle avait de plus précieux à cet instant. Elle devait en prendre soin et le faisait comme s’il représentait la prunelle de ses yeux.

La jeune guerrière, rarement fatiguée, en profita pour tenter d'apprendre une autre langue : le kranem ancien. C'était une langue difficile et il lui faudrait plus d'un livre pour arriver à la maîtriser. Mais Mahîna était persévérante et n'avait pas peur des difficultés. Elle s'assit donc sur un rocher et se mit à lire tout en répétant à haute voix certaines phrases.

Alors qu’elle s’exerçait, elle leva les yeux et vit Ezekiel lui faire un signe au loin. Elle essayait de comprendre mais la distance entre eux était trop importante, elle arrivait à peine à distinguer son bras de son arme. C’est alors qu’elle vit un hibou arriver. Elle comprit alors qu’elle devait allonger son bras pour que l’animal s’y pose et qu’elle puisse réceptionner le message de son chef de clan. Il était inscrit qu'elle trouverait un jeune sorcier du nom d'Hijo à côté du petit marché qui lui enseignerait son art.

De nature impatiente et curieuse, Mahîna se remit aussitôt en selle et se dirigea vers ce qui semblait être le marché. Au moment où elle aperçut un homme vêtu de façon curieuse, elle s’interrogea mais continua d’avancer sereinement jusqu’au moment où elle entendit un bruit sourd derrière elle. Mahîna se retourna aussitôt, sortit son couteau fétiche de sa botte et demanda de façon ferme :

Qui va là ?

Elle n’eût pour réponse qu’un juron à peine audible. Elle se douta qu’il ne lui était pas destiné mais devait rester sur ses gardes. Elle était certes sur Paradis mais n’importe qui, y compris ses ennemis, aurait pu trouver comment accéder à cette île. Elle avança prudemment et sursauta face au spectacle qui se tenait derrière un palmier : un jeune homme se trouvait sur le sol, il avait dû tomber et se faire mal. Très généreuse, elle voulait lui proposer son aide spontanément. Mais la spontanéité lui avait joué des tours par le passé. Elle tenait donc à s’assurer de l’identité de la personne qui se trouvait aux pattes de Cannelle avant d’agir.

Qui êtes-vous et que faites-vous ici ?

A peine s'était il relevé que la guerrière se trouvait face à lui, imposante, presque majestueuse si ce n'était qu'elle était montée sur un kormzib fatigué. Cela ne la rendait pas moins menaçante pour autant.
Sur ses gardes et prêt à réagir au moindre écart, Thorzakh pris quelques fractions de secondes pour analyser la situation :
La guerrière parlait le Hiaste, sa langue natale
Bien que cela ne prouve pas forcément son allégeance, elle le parlait apparemment sans défaut.
En plus de cela, Thorzakh savait que s'il avait pu se retrouver sur cette île par le biais d'un totem, cela signifiait que des tsuchis avaient le contrôle de ces terres.
Il s'apaisa alors, rejeta doucement sa capuche en arrière, présenta un sourire à la jeune femme avant de lui répondre.
Quelle surprise de trouver une guerrière en ces lieux si paisibles...
Thorzakh fronça légèrement les sourcils et se reprit
...agréable surprise bien sûr, lorsqu'il s'agit de tsuchi, n'est ce pas?

Le sorcier fixa alors la combattante d'un air interrogateur, tout en gardant une posture détendue.
Il espérait ne pas avoir fait d'erreur de jugement, auquel cas il se retrouverait dans une situation assez délicate, mais avant même d'entendre la réponse de la jeune femme, il remarqua l'arme qu'elle portait, et reconnu le travail des artisans tsuchi. Il n'avait déja plus aucun doute sur l'origine de la guerrière.

Le jeune homme s'était relevé et dévisageait Mahîna cherchant certainement des indices qui lui permettraient de savoir à qui il avait affaire. Elle le savait puisqu'elle était en train de faire pareil. Malheureusement, rien d'apparent ne lui indiquait de quel peuple cet homme venait. Elle ne voyait même pas son visage qui était dissimulé sous une capuche. A cet instant précis où sa vie et sa survie étaient en jeu, Mahîna demeurait plus que jamais sur ses gardes. Elle ne savait pas si les membres de son clan avaient remarqué qu'elle avait reculé et elle devrait hurler bien fort si le besoin s'en faisait sentir. Tout à coup, ce simple inconnu enleva doucement sa capuche et laissa apparaître un large sourire sur son visage. Mahîna en déduisit qu'il avait trouvé ce qu'il cherchait et se sentit légèrement rassurée. Lorsqu'il prononça le mot "tsuchi", elle fut immédiatement mise en confiance : il faisait partie des siens ! Elle ne pouvait en mettre sa main à couper et pour cela, demeura sur Cannelle, mais elle en était tout de même sûre, cet homme était un tsuchi.

Bien agréable surprise en effet. Je suis Mahîna, fière guerrière tsuchie !

Au moment où elle comptait lui redemander qui il était et d'où il venait, elle remarqua qu'il était plus blessé que ce qu'elle pensait. Sa générosité prit alors le dessus et elle descendit de son kormzib. Elle sortit de son paquetage une potion de soin et la tendit au jeune homme.

Vous m'avez l'air bien mal en point. Prenez ceci et buvez. Tous les tsuchis connaissent cette potion plus que miraculeuse dont la recette nous a été léguée par nos ancêtres, n'est-ce pas ?

Thorzakh tendit la main et saisit la potion que lui proposait la guerrère.
Il la remercia en s'inclinant, et but la potion qui soigna rapidement les quelques blessures qui le gênaient.
Et bien...je dois dire que je ne pouvais m'attendre à une meilleure rencontre que la votre!
Thorzakh prit un air plus sérieux avant de reprendre :
On ne sait jamais sur qui on va tomber, lorsqu'on part pour des contrées inconnues, et même si cette terre m'a semblé on ne peut plus accueillante à première vue, je n'ai pu m'empêcher de faire preuve de prudence en vous apercevant.
J'espère que vous ne m'en voudrez pas.

Prenant soudain un air outré, le sorcier fit un bond en arrière qui le fit presque tomber.
Mais quelles manières!!! Je ne me suis même pas présenté. Je me nomme Thorzakh, sorcier et aventurier, et je vous présente mes plus plates excuses si je vous ai fait peur tout à l'heure

Mahîna ne put s'empêcher de rigoler lorsque le jeune sorcier réalisa qu'il ne s'était toujours pas présenté à elle.

Je suis réellement enchantée cher Thorzakh, et ne vous en faites pas, je suis préparée et peux réagir à n'importe quelle situation.

En disant cela, elle avait placé brusquement et agilement son arme à 1 millimètre du cou de l'aventurier. Elle ne lui laissât pas le temps d'être surpris et réinsérât son arme fétiche dans sa botte. Elle sourit avant de poursuivre.

Veuillez me pardonner, je suis très joueuse. Alors dites-moi tout, quelque chose en particulier vous amène ici ou vous êtes juste un explorateur comme moi ? Je devrais dire "comme nous" vu que nous sommes plusieurs ! Vous, par contre, vous êtes seul, cela peut s'avérer dangereux, n'avez-vous point peur de faire de mauvaises rencontres ? Il vous faudrait des compagnons de route !!